Afin de fêter ses cinquante ans, Judas Priest vient de sortir cet imposant coffret contenant 42 CD, une série de photos signées Ross Halfin, un livre reprenant des photos, des affiches et autres articles sur le groupe, un facsimilé du programme de la tournée British Steel, un de l’affiche de cette tournée et un autre de celle de Defenders Of the Faith ainsi qu’une reproduction en métal de la lame de rasoir de la pochette de British Steel. Les fans sont gâtés, le prix est à l’avenant…
Cette rétrospective exhaustive sur la carrière du groupe permet déjà de se remettre tout en tête et de saisir l’évolution du groupe depuis le balbutiant Rocka Rolla, encore gorgé d’influences psychédéliques et de hard rock jusqu’à Firepower et son retour à un heavy metal plus direct.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le groupe n’a pas hésité à explorer différentes voies, comme le prouvent ses expérimentations proches de Queen d’« Epitaph » sur Sad Wings Of Destiny, les longueurs planantes sur « Raw Deal » de Sin After Sin ou les angoissantes rêveries de « Beyond The Realms of Dead » sur Stained Class, qui ne sont pas sans rappeler Black Sabbath et qui ont été assez ouvertement pompées par les Français de High Power notamment.
Il faut avouer que les Britanniques en ont influencé des groupes, à commencer par Iron Maiden dont les premiers albums n’auraient sans doute pas existé sans Sad Wings Of Destiny.
Mais le propos n’est pas là et les fans connaissent parfaitement les albums studios du groupe, ainsi que les albums officiels enregistrés en concert. Passons donc sur les incontournables Unleashed In the East et Priest… Live! (même si ce dernier est bourré de réenregistrements faits en studio). Moins connu, mais pas inédit ’98 Live Meltdown présente la tournée réalisée avec Tim Owens.
Le concert est très heavy, la voix est un peu mixée en avant, mais l’ensemble tient la route, sans arriver à la cheville des deux précédents albums cités. On lui préférera largement le Live in London, toujours avec Tim Owens ou le A Touch of Evil: Live, sur lequel on aurait bien voulu retrouver les bonus russes, japonais et l’inédit d’iTunes… Cela aurait fait quatre morceaux de plus ce qui, vu le prix de la bête, n’aurait pas été du luxe.
Mais venons-en aux inédits. Tout d’abord, le Live in Atlanta de 82 dont la setlist est assez proche de celle du DVD Live Vengeance provenant de la même tournée.
Le son est assez bon, même si la batterie est parfois désagréable. Quasiment tous les titres sont des classiques, ce qui permet d’entendre de jolies versions de « Heading Out the Highway », « Metal God » ou « The Ripper » ; alors que la version de « Devil’s Child » ne tient pas vraiment la route.
Déjà connues depuis quelques années parce que le concert est sorti en bootleg, les bandes du Live at the Mud Club ’79 ont été bien restaurées et masterisées.
Le son y est meilleur que sur la version que j’avais déjà écoutée. On y découvre « Rock Forever » et « Starbreaker » notamment, au côté de « Beyond the Realms Of Death », et de jolies versions de « Hell Bent For Leather » et « Victim Of Changes ».
Le choix des morceaux est étrange et Rob Hlaford semble étonnamment discret dans ses échanges avec le public.
Plus intéressant à mes yeux est le double CD consacré à la tournée Turbo que l’on retrouve grâce à ce Live In Houston ’86. Les puristes vont sans doute hurler en entendant ces guitares aseptisées, ces chœurs presque FM et ces sonorités électroniques.
Pourtant, la production est énorme, la setlist propose des chansons qui disparaîtront rapidement des concerts du groupe et des versions nouvelles de certains classiques. Mention bien pour « Out in the Cold » qui démarre la fête, « Locked In », que l’on redécouvre en concert, l’excellente version de « Love Bites » et celle plus lourde qu’en studio de « Private Property ». Quant à l’enchaînement « Turbo Lover », « Freewheel Burning », il est de toute beauté, avant que le final ne nous fasse décoller avec « Living After Midnight », « You’ve Got Another Thing Coming » et « Hell Bent For Leather ». Sans doute l’un des meilleurs concerts inédits de ce coffret.
Le suivant, Live In New Haven ’88, était déjà disponible en bootleg sous un titre assez proche mais amputé de la fin du set. Le son est énorme et, une nouvelle fois, ce concert permet d’entendre des morceaux assez rares comme « Some Heads Are Gonna Roll », « Come And Get It », « I’m a Rocker », « Heavy Metal » et « Ram it Down ».
Etrangement, le groupe ne jouait pas « Johnny B. Good » aux Etats-Unis, alors qu’il le faisait en Europe, notamment au Forest National où je les ai vus sur cette tournée. Un regard intéressant porté sur une période révolue du groupe.
Autre concert aisément trouvable, Los Angeles ’90 n’offre pas un son irréprochable, mais permet de (re)découvrir « Between the Hammer and the Anvil », « Better Than You Better Than Me » et « Leather Rebel » dans une set-list un peu étrange.
Le groupe n’est pas au meilleur de sa forme. Certains soli sont approximatifs et la performance de Rob Halford est pour le moins limite sur des titres comme « Bloodstone » et « Grinder », alors que « Hell Bent For Leather » déçoit par son manque d’entrain. Sans doute le moins bon CD de ce coffret.
A l’inverse, le Live in London 81, qui se base sur l’enregistrement du 21.11.81 à l’Hammersmith Odeon possède un très bon son. Certaines versions tronquées de ce concert étaient connues des fans, mais pas dans son intégralité.
« Heading Out Of The Highway » et « Desert Plains » sont ainsi présents par rapport aux différents bootlegs. Notons de belles performances sur « Metal Gods », « Hell Bent For Leather » et « Tyrant » qui clôt ce concert.
En revanche, je déteste lorsque Rob fait chanter un public que le micro ne capte pas, ce qui coupe les refrains de « Breaking the Law » ou « Living After Midgnight ».
Le niveau retombe un peu avec Denver ’80, dont il existe des tas de bootlegs et dont le son offert ici n’est pas meilleur que certains d’entre eux, en raison d’une batterie horrible sur certains titres, comme c’était aussi le cas sur le concert d’Atlanta.
Malgré ça, on retrouve avec bonheur tous les classiques de cette époque, avec un « Sinner » qui écrase tout sur son passage, un « Ripper » angoissant à souhait, un « Grinder » épais comme jamais et un final étonnant sur « The Green Manalishi » plus heavy qu’à l’accoutumée.
Il n’est pas étonnant de trouver dans ce coffret Irvine ’91 dont le concert filmé de manière professionnelle est disponible sur YouTube depuis 2016 et qu’un petit malin a même sorti en DVD.
Le son est excellent, ce qui permet d’apprécier quelques morceaux devenus rares comme « All Guns Blazing », « Night Crawler », « Diamonds And Rust » ou « A Touch Of Evil ». Rob Halford est en pleine forme, ce qui s’entend lorsqu’il entame les morceaux les plus violents aux lignes de chant aigues, comme « Painkiller » ou « All Guns Blazing ».
Les deux derniers CD, intitulés Beyond Live & Rare proposent plus de live que d’inédits. Le premier débute par « Commemorate », un morceau piano-voix peu habituel pour le groupe.
Il est suivi d’extraits de concerts. Trois plutôt bons, de 1981 au Palladium de New York, trois de l’Agora Theater de Cleveland en 1987 au son grossier, puis une série de titres provenant de différents endroits, dont deux de Tokyo en 1978 : « White Heat, Red Hot » et « Starbreaker », assez sympathiques.
En revanche, on peut se demander ce que viennent faire ces versions enregistrées avec un dictaphone de « Painkiller » à Sheffield et « All Guns Blazing » à Montréal. C’est sans doute pour faire mieux accepter la démo de « Mother Sun » qui clôt ce coffret d’une manière peu agréable.
Le coffret est magnifique, son contenu roboratif, mais on regrettera l’absence de vrais inédits, de chutes de studio, mais en existe-t-il ?; de concerts vraiment rares ou jamais entendus jusqu’alors, voire l’inclusion de DVD reprenant les concerts sortis en VHS ou certaines images disponibles sur Youtube.
Les fans hardcore du groupe possédant déjà la plupart du matériel « Previously Unreleased » vont-ils se jeter sur lui ?
Sans doute, parce que ce sont des fans hardcore et que Noël approche. Quant aux autres, à ceux qui ne connaissent pas ce groupe majeur du metal, vous savez ce qu’il vous reste à faire…
@Denis Labbé