Formé sur les cendres de The Stalk-Forrest Group qui a enregistré un album jamais publié par son label Elektra, Blue Öyster Cult sort son premier album éponyme en 1972, à contrecourant de ce qui se fait à l’époque.
Mêlant rock, hard rock et musique progressive à des éléments psychédéliques et des motifs issus du blues, le quintet surprend par la complexité de ses compositions, l’aura mystérieuse qui entoure la signification de son nom et de son logo, ainsi que les thèmes de scientifiction abordés dans ses chansons.
S’appuyant sur des compositions singulières, qui permettent aux riffs, aux claviers et aux mélodies vocales d’occuper des places équivalentes, les Américains livrent dix titres envoûtants.
Il suffit d’écouter l’étonnant « Before the Kiss, A Redcap » pour s’en convaincre. Basé sur un motif entêtant bourré de groove, au refrain enivrant, ce morceau propose ensuite un break jazz rock, qui permet d’apprécier la technique des guitaristes.
Les influences blues-boogie y sont évidentes, comme sur l’excellent « I’m on the Lamb but I Ain’t No Sheep » qui provient de The Stalk-Forrest Groupe et qui plonge aux mêmes racines que Thin Lizzy ou ZZ Top. Ce morceau enlevé donne lieu à des duels de guitares époustouflants et à des lignes vocales complexes du plus bel effet.
Dans le même esprit, et sans doute meilleur encore, « Stairway to the Stars » est une vraie pépite au riff sautillant, issu d’un douze mesures classique, mais que Blue Öyster Cult parvient à magnifier grâce à des arrangements subtils. Poussant cette exploration à son paroxysme, le groupe nous livre une sorte de southern rock teinté de pop-rock anglais avec « Redeemed » qui clôt cet opus dans un envol de guitares mélodiques et inventives.
« Transmaniacon MC » avait d’ailleurs donné un bel aperçu de ces qualités dès ses premières mesures. Néanmoins, les influences blues étaient incorporées à un proto-punk proche des MC5 que tempéraient aussi des motifs progressifs et psychédéliques.
Inquiétant, énigmatique, ce morceau symbolise un groupe mystérieux qui ne fait déjà rien comme les autres. Cela se confirme sur le futur hit qu’est « Cities on Flame with Rock and Roll », un hymne rock quasiment anticipatif, qui joue avec des atmosphères énigmatiques.
Eric Bloom et Buck Dharma y montrent déjà toute leur science du riff et du solo. Hésitant entre la puissance et la mélodie, sans jamais vouloir choisir, Blue Öyster Cult repousse les frontières du rock.
Le mélange entre le proto-punk américain et la vague anglaise conduite par les Who se concrétise sur « Workshop of the Telescopes », une ode à la guitare et aux ambiances décalées.
Dans un registre plus psychédélique, « Then Came the Last Days of May » calme le jeu pour une chanson pleine de nuances qui sent bon les substances hallucinogènes, comme c’est aussi le cas du planant « Screams », dominé par des effets un peu datés sur les voix et des claviers typiques de cette période.
Mais ce n’est rien à côté de l’obscur « She’s As beautiful as a Foot » qui est mené par un subtil et entêtant riff de guitares, même si l’auditeur ne saisit absolument rien aux paroles.
Ces trois compositions symbolisent un groupe en partie inaccessible, mais qui fascine par sa capacité à construire des morceaux uniques.
Avec ce premier album, Blue Öyster Cult inscrit immédiatement son nom au panthéon du rock et du hard rock.
@Denis Labbé