Lorsque déboule Battle Hymns, le premier opus de Manowar, le groupe semble sorti de nulle part.
Pourtant, il est le fruit d’un travail acharné des deux fondateurs : le bassiste Joey DeMaio, qui fut technicien pour Black Sabbath, et le guitariste Ross-the-Boss, ancien membre des proto-punks The Dictators et des Français de Shakin’ Street qui ouvraient pour Black Sabbath sur une tournée américaine.
Epaulés par le chanteur Eric Adams, ancien camarade de classe de Joey et Donnie Hamzik à la batterie, ils enregistrent les huit titres composant cet album aux Criteria Studios de Miami.
Si le son est un peu cru et manque d’épaisseur, notamment pour la batterie, il installe un groupe déjà sûr de son fait comme en atteste l’ouverture « Death Tone » qui démarre par des vrombissements de motos.
Ce mid-tempo au riff tournoyant s’appuie une basse alerte, dont l’utilisation originale annonce le son Manowar. A cela s’ajoute la voix puissante d’Eric Adams qui sait aussi bien monter dans les aigus qu’asséner des couplets ravageurs.
Pourtant, c’est avec la déflagration « Metal Daze » que le groupe nous montre tout son potentiel. Epais, racé, construit sur un groove imparable et des ponts étonnants, ce titre pose les bases de la carrière du groupe. Le duo basse/guitare est d’une rare efficacité, tandis que les chœurs enfantins et agressifs sur le refrain évoquent un Alice Cooper dopé aux hormones.
On peut faire un constat similaire avec l’hymne « Manowar » qui prouve que les Américains sont capables de construire de véritables chansons. Mais avec eux, c’est une déferlante qu’on prend en pleine figure : basse vrombissante, riffs assassins, chant furieux et chœurs évoquant une armée fondant sur l’ennemi.
Avec « Fast Taker », on perçoit l’influence de Ross-The-Boss qui se fend d’un rock survitaminé qui n’est pas sans rappeler ce qu’il faisait déjà avec The Dictators.
Assez direct et d’une construction simple, ce morceau permet au guitariste de nous prouver tout son talent lors d’un solo à la fois technique et plein de feeling.
Cette petite pépite rend plus fade encore « Shell Shock » qui est, sans conteste, le point faible de cet album. Lent, presque englué dans un riff qui hésite entre tout écraser sur son passage et jouer avec des ambiances angoissantes, ce titre manque sa cible, en raison d’une production sans doute trop légère.
Mais tout cela est rattrapé par les deux pièces maîtresses que sont « Dark Avenger », magnifié par la voix inimitable d’Orson Welles et « Battle Hymn » qui clôt les débats.
Basées sur des atmosphères guerrières, ces chansons développent l’univers épique de Manowar avec un réel talent.
Il suffit de se passer la première pour éprouver des frissons tant le côté cinématographique est perceptible, surtout lorsque le tempo s’accélère, permettant à Eric Singer de se lâcher de manière quasi hystérique.
Aussi épique, « Battle Hymn » fait souffler un vent guerrier sur près de 7 minutes, en faisant découvrir les multiples facettes d’un groupe en pleine construction. Cerise sur le gâteau, Joey DeMaio nous prouve sa technique en reprenant « William’s Tale » de Rossini à la basse, offrant à cet instrument, souvent le parent pauvre du rock, une visibilité méritée.
Il s’ensuivra une courte tournée européenne qui verra Donnie Hamzik jeter l’éponge pour être remplacé par Scott Columbus.
Une nouvelle version de l’album sera enregistrée en 2010 avec les mêmes musiciens, mais Christopher Lee à la narration de « Dark Avenger ».
@Denis Labbé