Lorsque ce premier album de Van Halen sort en 1978, il fait l’effet d’une déflagration, tant il propose une musique nouvelle, puissante, dominée par la guitare d’Eddie Van Halen et le chant enjôleur de David Lee Roth. Cette association entre technique et mélodie frappe aussitôt les esprits.
Jamais encore on n’a entendu un guitariste proposer des soli aussi furieux, rapides et novateurs. Loin du style néoclassique de Blackmore, des envolées blues de Page et de la lourdeur de Iommi, Eddie offre une nouvelle voie qui s’incarne dans le phénoménal « Eruption ».
Les critiques comme les musiciens en sont totalement retournés, ce qui va changer le visage du metal et ouvrir le chemin aux shredders des années 1980.
Malgré tout, il ne faut pas résumer cet album à une accumulation de soli et de déballages techniques, bien au contraire. Le groupe nous offre de vraies chansons, subtilement composées, qui développent un hard rock accrocheur : le magnifique « Runnin’ with the Devil » au refrain immédiat, le savoureux « Jamie’s Crying » et le mésestimé « Feel Your Love Tonight » sur lequel David Lee Roth insuffle une dose de glam.
Tous ces titres sont des hits en puissance, comme « You Really Got Me » la reprise des Kinks, sublimée par la production énorme de Ted Templeman qui se fait immédiatement remarquée, la superbe « Ain’t Talkin’ ‘Bout Love » au riff gorgé de groove ou la subtile « Little Dreamer » sur laquelle David Lee Roth prouve toutes ses qualités de crooner.
Même lorsque le rythme s’accélère, Van Halen fait évoluer les choses. La déjantée « I’m the One » renverse tout sur son passage, grâce à un rythme effréné porté par l’assise impeccable d’Alex Van Halen et Michael Anthony.
Les arrangements de guitares sont exceptionnels, comme le soli que peu de guitaristes sont capables de jouer à l’époque, tandis que l’insert jazzy nous prouve la grande culture musicale du groupe qui est confirmée par « Ice Cream Man » une reprise du bluesman John Brim.
Plus consensuel dans son approche, « Atomic Punk » nous charme par son riff séducteur qui permet à Eddie de nous régaler une nouvelle fois, comme il le fait également sur le plus heavy « On Fire », qui montre une face sombre du groupe.
Van Halen est un chef-d’œuvre absolu, un de ces disques rares qui marquent un tournant dans une époque et que l’on redécouvre à chaque nouvelle écoute.
Quatre 45 tours en sont extraits ce qui boostent les ventes et permet à l’album de s’écouler à plus de 15 millions d’exemplaires.
Seul bémol, il serait urgent qu’une maison de disque publie une version agrémenté de la trentaine de démos enregistrées durant ces mêmes sessions.
Denis Labbé