Huitième album studio du trio canadien, Moving Picture est un chef d’œuvre du rock qui, quarante ans après, n’a pas pris une ride. A sa sortie, il fait d’ailleurs l’unanimité chez les critiques spécialisés et permet au groupe de toucher un public plus large, à la fois sur le continent américain et en Angleterre.
Composé des pauses dans la tournée Permanent Waves et peu de temps après, les sept morceaux proposent un savant mélange entre des digressions progressives, des envolées lyriques et des refrains plus accessibles qu’à l’accoutumée, ce qui paraît évident sur le superbe « Red Barchetta » dont le riff entêtant s’inscrit immédiatement dans l’esprit de l’auditeur ou le plus immédiat « Tom Sawyer » qui sert de pont entre la musique progressive et un rock plus radiophonique. Ces deux morceaux sont rapidement adoptés par les fans en concert.
Rush a évolué, comme en témoigne « Limelight », un titre rock aux paroles autobiographiques qui évoquent l’album live All the World’s Stage. Basé sur un rythme entraînant allié à un refrain ciselé, ce morceau fait entrer le groupe dans la musique des années 1980, comme le mésestimé « Vital Signs » qui insuffle des touches reggaes et new wave à une base purement progressive.
Le groupe ne coupe par pour autant les ponts avec son passé. Plus classique, l’instrumental « YYZ » est une véritable perle, comme seul Rush est capable d’en écrire. A la fois joyeux, technique, intelligent et sensible, il s’inscrit comme l’un des meilleurs morceaux instrumentaux jamais écrits. Le public ne s’y trompe pas, puisqu’une fois proposé aux fans, il ne quittera plus les set-lists du groupe.
La partie la plus progressive de l’album se retrouve sur la face B, avec la longue pièce de plus de dix minutes intitulée « The Camera Eye » et découpée en deux parties. Elle nous rappelle l’ancrage de Rush et la manière qu’avait le trio de proposer ces morceaux de bravoure sur lesquels les nombreux changements de rythmes permettaient aux auditeurs de partir vers de lointaines contrées.
Plus sombre, « Witch Hunt », qui fait partie de la série « Fear », est peut-être la chanson la plus faible de cet album, sans être pour autant mauvaise. Lourde et directe, elle est construite sur une montée progressive de l’intensité, d’abord grâce à un riff de guitare suivi d’un autre de clavier. Ces éléments répétitifs nous entraînent dans un monde angoissant à l’opposé du reste de l’album.
Plusieurs remastérisations ont été proposées aux fans depuis l’apparition du CD, mais une nouvelle version devrait voir le jour en avril afin de fêter ses quarante ans.
@Denis Labbé