Le début des années 1970 voit l’Angleterre foisonner de groupes de rock et de proto-metal qui empruntent des motifs au psychédélisme et au progressif. En dépit de leurs qualités, la plupart d’entre eux va avoir une existence éphémère. C’est le cas de Bram Stoker qui sort ce Heavy Rock Spectacular en 1972 sur le label Windmill après maintes péripéties.
Formé en 1969 par Jet Harris, l’ancien bassiste des Shadows, le groupe inclut le guitariste Pete Ballam et le batteur Rob Haines (deux anciens The Feel and Freedom Village) et le claviériste Tony Brondson.
Jet Harris est rapidement écarté en raison de ses penchants pour l’alcool et le groupe engage Jon Bavin avant d’obtenir les premières parties de groupes tels que Genesis, Yes, Caravan, Argent, Groundhogs et Smile (qui va devenir Queen). Excusez du peu…
Après une première partie des Who qui impressionne Roger Daltrey, ce dernier invite le groupe à enregistrer une démo 6 titres chez lui. Malgré un intérêt du producteur Derek Lawrence qui les convoque dans son studio de Londres où officie aussi Martin Birch, le groupe refuse l’offre de l’équipe de management de Deep Purple.
En 1970, repéré par Tony Calder, le manager des Rolling Stones, Bram Stoker entre au Morgan studio sous la houlette de Tony Chapman qui capture les huit morceaux live.
Malheureusement, Calder revend ses parts du label Immediate Records qui avait signé le groupe et l’album ne sort pas. Les bandes sont récupérées deux ans plus tard par le label Windmill qui les publie sans l’accord du groupe.
Il aurait été dommage de ne pas offrir au public, ce disque qui alterne morceaux atmosphériques issus du psychédélisme et titres plus shock rock inspirés par l’œuvre de Bram Stoker.
Dans cette seconde catégorie, on peut placer le torturé « Poltergeist » dominé par un orgue omniprésent et une basse hypnotique, l’instrumental « Fingacs cave » aux motifs puisés dans le jazz-rock ou « Blitz », une chanson angoissante, en grande partie instrumentale, qui évoque les premiers albums de Deep Purple et d’Uriah Heep.
Comme ces deux formations, Bram Stoker s’appuie sur un orgue chaud, qui devient parfois hystérique, comme sur « Born to be Free » au rythme enjoué, tout en sachant soutenir la guitare, comme il le fait sur l’excellent « Extensive corrosion », un hymne propice aux improvisations.
Enregistré avec une forme d’urgence et de spontanéité, Heavy Rock Spectacular s’inspire de l’expressivité des Who ou d’Alice Cooper sur l’excellent « Idiot » au refrain amusant, tout en privilégiant les instrumentaux pour mieux envoûter l’auditeur : « Ants » et « Fast Decay ».
Réédité sur plusieurs labels en CD, Heavy Rock Spectacular est un album à découvrir, parce qu’il est symptomatique d’une époque.
A noter que le groupe s’est reformé en 2009 autour de Brondson et Bavin. Il sort deux albums : Cold Reading (2013) et No Reflection (2019)
@ Denis Labbé