Le monde de la musique est injuste, les amateurs de metal n’échappent pas à la règle.
Si Asylum Pyre avait été Américain, Néerlandais ou Allemand, il aurait déjà obtenu la notoriété et la carrière d’Evanescence, de Within Temptation ou de Beyond the Black.
Mais là où l’Allemagne et les Pays-Bas sont capables de mettre en avant leurs groupes nationaux, la France ne fait souvent que les ignorer, voire leur cracher dessus. Il suffit de faire un tour sur les forums de discussion consacrés à nos musiques préférées pour s’en convaincre.
Une dizaine de mois après la parution de ce chef-d’œuvre, et malgré des critiques positives, Asylum Pyre n’est toujours pas en tête d’affiche des festivals européens et doit même tourner en première partie de groupes bien moins talentueux que lui, ce qu’il fait depuis plus d’une douzaine d’années d’ailleurs.
Call Me Inhuman est pourtant sans conteste l’un des dix meilleurs albums de metal sortis en 2023, une œuvre inventive, gorgée d’hymnes imparables (« Virtual Guns » et « Fighters » est la plus belle entrée en matière de 2023), de mélodies soignées, de riffs intenses et d’arrangements intelligents, portée par des musiciens accomplis : la basse sur « The Nowhere Dance » est une merveille, tandis que le refrain nous porte aux nues.
Chaque chanson est ciselée par des orfèvres qui savent distiller temps forts et temps faibles pour captiver l’auditeur : le poignant « A Teacher, A Scientist, and A Diplomat » aux accents à la Pink Floyd développe des nuances captivantes. Les influences sont savamment digérées, aussi bien musicalement que littérairement.
Leur concept de science-fiction mériterait d’être développé sous forme de romans. « Happy Deathday » est un excellent exemple de ce métissage culturel qui associe des apports jazzy au metal extrême, des lignes vocales d’une grande classe à des soli dignes des meilleurs guitaristes.
Chaque morceau est une nouvelle découverte qui ajoute une perle à ce collier qu’est Call Me Inhuman : « There, I Could Die » aurait pu atterrir sur un album d’Abba si les Suédois avaient joué du metal, tandis que « The Mad Fiddler » est une bombe de heavy rock, porté par des riffs intenses et un batteur en état de grâce.
Quant à Ombeline, elle transporte chaque morceau dans des tonalités différentes, tant sa voix est capable de s’adapter à tous les motifs et les genres qui lui sont proposés, ce qu’elle fait avec talent sur « Underneath Heartskin ».
Mais ne sortons pas un musicien ou un autre du lot, car Asylum Pyre est vraiment un tout cohérent qui puise dans la musique religieuse : le poignant « Sand Paths » ou classique : le magnifique « The True Crown (I Seek Your War) » et le fin « Call Me Inhuman » sur lesquels le travail des voix est absolument divin et les arrangements d’une rare intelligence.
Avec Elyose et Magoyond, Asylum Pyre appartient au trio des groupes français les plus novateurs, quant à Call Me Inhuman, il flirte avec les sommets atteints par le Bleed Out de Within Temptation et l’album éponyme de Beyond the Black.
@ Denis Labbé